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Salissures des coques de bateau : les algues sont-elles le problème ou la solution ?

Dernière mise à jour : 20 févr. 2022



Les carènes des navires, comme tous corps qui restent immergés dans de l'eau se trouvent rapidement colonisées par un biotope complexe, et dans un milieu maritime cette colonisation et cette prolifération se traduisent par l'apparition d'algues et de micro-organismes divers.

Depuis que l'être humain a commencé à mettre des bateaux à l'eau, il s'est rapidement aperçu qu'il fallait à tout prix les garder propres afin de conserver un hydrodynamisme et donc une vitesse optimale. Dans ce sens, il s’est vu concevoir des coques revêtues d’une couche protectrice appelée aujourd’hui antifouling.



Qu'est ce que l'antifouling ?


Le « fouling » est une salissure ou un encrassement d’origine organique conséquence d’une colonisation naturelle et progressive de la surface immergée d’un bateau par des végétaux et des crustacés.

L'antifouling est par conséquent l'action d'appliquer un revêtement ou une action qui empêche le développement de ces salissures.

Fäy F., Bourgougnon N., Réhel K. «Surfaces anti-biofilm et anti-fouling à impact environnemental réduit»


Des traces de diverses méthodes très anciennes apparaissent dans l'archéologie navale. Les phéniciens et les carthaginois utilisaient des clous de cuivre ou de plomb pour leurs propriétés antifouling. Lorsque le cuivre est en contact avec l'eau, il libère de l'oxyde de cuivre ayant des propriétés antifouling qui détruisent les micro-organismes qui se déposent à sa surface.

Dans la Grèce antique, c'est le goudron, la cire et toujours le plomb qui font leur apparitions.

En 412 avant J.C, apparaissent les premiers revêtements qui contiennent des éléments antisalissures. On ne mettait plus directement des plaques de cuivre à même la coque, notamment à cause du poids et du coût de celui-ci. On réussit alors à créer une sorte de pâte à appliquer sur les carènes. Les molécules étaient alors très toxiques car ces pâtes étaient élaborées à base d'arsenic ou de soufre, et la dégradation de ses revêtements incluait la libération de ces polluants dans les océans. L'évolution de la marine et du transport de marchandises par la mer à contraint les professionnels à utiliser des antifoulings puissants mais nocifs pour l’environnement. En effet, à cette époque les innovations dans le domaine ne sont pas sensible à la protection de l’environnement et les techniques d’analyses des effets sur l’environnement comme sur l’homme n’étaient pas de première importance.


Le premier brevet d'une peinture de carène aux effets antifouling date de 1625, et se caractérise par l'ajout d'un polymère à base de cuivre dans la peinture. Cette technique a continué à être utilisée jusque dans les années 1970.

Dans une course à l'efficacité optimale, en 1976 (en pleine révolution industrielle), le brevet de Tributyltin (TBT) est déposé à base d'étain cette fois-ci. Cette nouvelle découverte s'annonce extrêmement efficace et même biodégradable à sa sortie. La réalité est tout autre.

L'utilisation massive sur toute la surface du globe de ce polymère a montré l'apparition d'impacts environnementaux énormes sur la faune et la flore aquatique ; destruction d’organismes marins (poissons), changement de sexe chez les bigorneaux ou encore déformation de la coquille des huîtres et diminution de leur nombre (population divisée par 5 dés 1980 dont la cause fut attribuée au TBT).

Ceci à conduit l'Organisation Maritime Internationale (OMI) à interdire en 2003 l'utilisation de cette molécule active dans des polymères de peinture maritime. En 2008 fut mise en place une interdiction totale de naviguer au commerce pour tous les bateaux présentant encore ce type de peinture.

Un autre problème réside quant à l'efficacité des systèmes antifouling à large spectre. En effet, [...à travers le monde, environ 4000 espèces de bio-salissures réparties dans une douzaine de zones océaniques ont été identifiées], la prise en compte des diverses bio-salissures locales conduit alors à la conception de formules anti-salissures complexes et non universelles.

Les anciennes formules d'antifouling avaient cet avantage d'être efficaces sur plusieurs espèces de micro-organismes et dans différentes eaux du globe.

La recherche scientifique avait démontrée que les anciennes méthodes pour se prémunir des salissures présentes sur les coques de navire étaient à revoir et les instances de réglementation maritime s'étaient assurées que de nouvelles formules ne puissent être produites et utilisées avant un contrôle drastique.

Le commerce mondial maritime a cependant pris une telle importance ces 20 dernières années dans les échanges internationaux que des solutions urgentes s'imposaient.

Avec 9 milliards de tonnes de marchandises transportées par an, la voie maritime est le premier mode de transport international. Il représente à lui seul 80% du volume de marchandises transportées sur toute la planète.


Quelles sont les conséquences du fouling ?


Ces salissures marines ont de multiples conséquences : risques accrus de corrosion, augmentation du poids des navires, colmatage de canalisations, dérive des mesures des capteurs de navigation, pertes de charge, introduction de nouvelles espèces invasives et surtout augmentation des forces de frottement induisant une augmentation de la consommation de carburant et des émissions de CO2.


Selon les données de l’Organisation Maritime Internationale (OMI, 2002), une coque brute de traitement devrait supporter, dans les cas extrêmes, jusqu’à 150 kg de bio-salissures par mètre carré en seulement 6 mois de mer. La bio-accumulation d’organismes marins a donc un impact particulièrement préjudiciable pour toute l’industrie navale (marine marchande, militaire, de croisières ou de plaisance). Sur le plan économique, les effets délétères du biofouling sur les performances d’un navire coûtent cher : rien que pour l’US Navy, une estimation d’un milliard de dollars par an a été avancée (Callow & Callow, 2002).


On estime d'ailleurs que le fouling présent sur les oeuvres vives des navires créé des frottements et ajoute de la traînée pouvant augmenter celle-ci de 25% à 80%. Il est alors facile de juger du surplus de consommation de carburant que cela induit, lorsque aucun traitement de carène n'est appliqué.


Le cycle de formation du fouling.


Dès lors qu’un corps est immergé dans l’eau une pellicule se crée en quelques seconde. Cette colonisation en dessous de nos coques peut être décrite comme une sorte de cycle biologique, on parle de biosalissures. L’apparition du fouling dépend de plusieurs critères, par exemple la température de l’eau influe énormément. Dans les eaux chaudes, comme aux Antilles ou en Méditerranée, le fouling adhére plus vite que dans les pays scandinaves.


Après quelques secondes des particules organiques viennent naturellement adhérer à la surface immergée. Il s'agit de particules non vivantes. L'adhésion des particules prépare la surface pour l'adhésion de bactéries. Il s'agit là des premiers organismes vivants qui colonisent la coque après plusieurs minutes. Les bactéries créent une sorte de colonie, de communauté, qui croît en quelques heures. Après plusieurs jours, des microalgues arrivent et s'installent sur la coque en se nourrissant des bactéries. Suivant le type d'algues et leur couleur, on voit apparaitre un film coloré sur la coque. C'est ce que l'on appel le film gras.

Après 2 mois d’immersion, des algues plus importantes (macroalgues), visibles à l'œil nu, colonisent la surface. A ce stade, cette couche appelée « non encroûtante » se détache avec un simple brossage, sans forcer ni avoir besoin d'insister avec un nettoyeur haute pression.

Après plus de 2 mois, les organismes "supérieurs" font leur apparition. Il s'agit d'espèces que l'on nomme "espèces encroûtantes", c'est-à-dire qu'elles se fixent en endommageant la surface. Ce sont par exemple les coquillages, les balanes, les algues calcaires… Un nettoyeur haute pression est nécessaire pour s'en séparer.



De nombreuses recherches sont donc menées dans le domaine de ces peintures antifouling. A juste titre, ces recherches pourraient aboutir à une forte économie financière en limitant les besoins en carburant et en maintenance diverse en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires de commerce.


Pour répondre à cette problématique, il existe deux grands systèmes de peinture qui détiennent le monopole sur le marché de l'antifouling :

  • Une peinture de revêtement biocide (visant à tuer les organismes)

  • Un procédé de revêtement de surface anti-bioadhésive (visant à repousser les organismes)


Les revêtements à base de biocide


Qu'ils fonctionnent par contact ou par diffusion (relargage), ces revêtements libèrent des molécules qui ont pour but de tuer les organismes vivants voulant adhérer à la surface. Ils ne sont encore que partiellement efficaces, notamment car ils s'encrassent rapidement et ne présentent donc qu'une durée d'action trop courte, et ce tout en libérant leurs molécules actives qui sont toxiques pour l'environnement. Ces peintures représentaient il y a une vingtaine d'années la quasi totalité des peintures antifouling sur le marché. Aujourd'hui elles ne représentent plus que 80% du marché et sont toujours composées de substances actives liées au cuivre ou à des pesticides issues de l'agriculture.

Les biocides présents dans les revêtements actuels sont des composés organométal- liques (cuivre ou zinc) et/ou des composés organiques (fongicides, algicides, bactéricides...) qui permettent de prévenir l’adhésion des organismes marins. Cependant, ces substances font l’objet d’une surveillance accrue concernant leurs effets sur l’environnement.

Au niveau mondial, le marché des antifoulings est estimé à plus de 100 000 tonnes dont 20 000 tonnes pour l’Europe, en augmentation de 2% par an. On estime que les navires de plaisance représentent à l’échelle européenne 3000 tonnes de peintures.


Comment fonctionnent ces peintures antifouling ?


Les mécanismes de diffusion du biocide sont dépendants de la matrice polymère qui l'accueille. On trouve trois catégories principales de matrice :

  • La matrice dure : elle ne se solubilise pas dans l’eau de mer. Une fois immergés, les biocides sont dissous et libérés peu à peu par l’eau de mer. Le liant n’étant pas soluble, l’eau se répand à travers les pores laissés vides et dissout les particules toxiques suivantes. L’épaisseur de cette couche, dépourvue de biocides, augmente au fur et à mesure, ce qui lui donne une bonne résistance mécanique et une application possible en épaisseur.

  • La matrice érodable : ou matrice hydrophile s’érode au fil du temps. Par l'action mécanique due aux mouvements du bateau dans l'eau, la matrice dissout la peinture par hydrolyse en libérant des biocides en continu.

  • La matrice autopolissante est constituée de polymères hydrolysables dans l’eau de mer. Le biocide est libéré lorsque l’eau de mer réagit avec la couche superficielle de la peinture (érosion chimique) ce qui permet de contrôler le taux d’extraction des particules solubles de ces peintures par l’eau. Avec l’avancée des connaissances en matière d’impact écologique des substances toxiques entrant dans la composition de ces revêtements, de l’érosion du nombre de biocides autorisés par la législation au fil des ans et du coût des études de risques avant mise sur le marché d’un nouveau biocide, les recherches en terme d’antifouling se tournent désormais vers des approches moins ou non toxiques.


Les revêtements à base de surface anti-adhésives ou FRC


De nouveaux revêtements des surfaces de carène visent à rendre celles-ci inhospitalières pour les organismes colonisateurs. Cela peut être élaboré en restructurant le revêtement, ou en modifiant la charge des surfaces d'adhésion, ou encore en créant une couche protectrice (d'air ou d'eau).


En effet, ces revêtements ont l’avantage de repousser les organismes vivants au lieu de les tuer. Ces matériaux ne se décomposent pas au contact de l’eau, ainsi ils ne sont pas néfaste pour l’environnement marin. Trois techniques sont utilisées aujourd’hui, l’une d’elle a pour but de restructurer le revêtement en créant une topographie sur la surface de la coque qui empêche l’adhésion des organismes. Ces surfaces nano-structurées s’inspirent notamment de la peau du requin et du dauphin.

La société Finsulate a ainsi mis au point un revêtement adhésif que l’on applique sur les parties immergées de tout objet nécessitant une protection antifouling. Le film a été développé selon le même principe que les oursins. Grâce à de minuscules piquants, la coque est « isolée » et les seules possibilités pour les organismes de s’attacher sont aux extrémités extérieures de ces minuscules piques. Ainsi, ils peuvent facilement être enlevés par brossage tout en laissant le bateau à flot. Cette solution est notamment utilisée pour les navires de transport de marchandise ainsi que les plateformes offshore. L’utilisation dans le monde de la plaisance est encore faible.




Une autre solution est d’utiliser les charges d’adhésions des organismes (répulsion électrostatique). En effet, les organismes dans le milieu marin sont en majorité chargés négativement. Si la surface de la coque est elle aussi chargée négativement, elle agit comme un aimant et repousse les organismes. Cependant, de nombreux essais de nouveaux revêtements à répulsion électrostatique nécessitent l'appui de nouvelles technologies encore trop lourdes à mettre en place rapidement pour un secteur encore une fois en attente de solution immédiate. Enfin il est possible de créer une couche protectrice d’air, d’eau ou d’un film gras que l’organisme ne peut pas traverser. Cet encombrement stérique créé une gêne qui tient à distance l’organisme. La surface peut être super-hydrophile ou super-hydrophobe. Les revêtements à base de silicone agissent de cette façon. En effet, le silicone représente une surface non adhésive pour les organismes marins. Le film gras, créé lorsque le silicone est dans l’eau, devient un support pour les organismes vivants mais ne permet pas l'adhésion à la surface. Ainsi lorsque le bateau va être en mouvement, le fouling va naturellement se détacher. Il existe deux types de revêtement à base de silicone, l’un est un film qui est appliqué sur la coque. L’inconvénient est qu’il nécessite la pose par un professionnel et ne peut être réparé en cas d’accroc sur la coque. Le deuxième est une peinture à base d’huile de silicone qui est aujourd’hui beaucoup plus utilisée car relativement simple à mettre en oeuvre et qui peut être réparée. Les revêtements à base de silicone sont majoritairement utilisés dans le domaine de la marine marchande et des bateaux de travail, il sont moins utilisés dans le domaine de la plaisance car ils nécessitent une utilisation régulière de l’embarcation pour que le fouling se détache avec le mouvement de l’eau sur les carènes. L’addition d’huiles de silicone dans une peinture FRC permet également d’améliorer ses propriétés antifouling en augmentant la nature glissante et lixi- viable du matériau (Shivapooja et al., 2016). Cependant, bien qu’ayant un statut non toxique pour l’environnement aux concentrations utilisées, il n’est pas exclu que ces huiles puissent représenter un danger pour la faune et la flore marine si elles venaient à être relarguées en plus grande quantité dans le milieu naturel. Dans le domaine de la plaisance, la prise de conscience des enjeux écologiques et les envies de protections moins néfastes pour l’environnement font apparaître de nouvelles méthodes de nettoyage. De nouveaux outils de nettoyage et de protection ont été inventés ces dernières années.


Les alternatives mécaniques


Il existe aussi des alternatives mécaniques qui ne nécessitent pas forcément de protection antifouling. En effet, de nombreux bateaux ne disposent pas forcement de protection antifouling. Lorsqu’ils sont mis à l’eau pour la journée ou quelques heures, leur encrassement est moindre et il ne nécessite donc pas de protection particulière. Cela s’applique majoritairement à la plaisance et au bateau utilisé à la journée. Il existe aussi des propriétaires de bateaux ne souhaitant pas appliquer de protection sur leurs bateaux. C’est le cas notamment d’Alain Guillard, propriétaire d’un catamaran de 12m dans le golf du Morbihan qui préfère venir frotter régulièrement sa carène plutôt que d’appliquer un revêtement dessus par souci écologique et financier. Une activité régulière qui lui prend 1h30 à 2h, environ tous les 5-7 jours. Dans le cas où il n’y va pas durant ce laps de temps, la durée du nettoyage s’allonge mais reste acceptable. S’il n’y va pas pendant plus de 3 semaines, la colonisation est vraiment avancée et le nettoyage nécessite une sortie de l’eau du bateau. De nouvelles innovations arrivent sur le marché afin de ne plus dépendre des antifoulings. Elles peuvent être aussi utilisé en supplément d’autres peintures naturelles actuellement sur le marché. De la même manière que notre propriétaire Morbihannais, une entreprise Bretonne produit une brosse permettant de frotter la carène de son bateau sans se mouiller. Grâce au principe de la poussé d’Archimède, d’un manche courbe et d'un peu d’huile de coude, il est possible d’enlever toutes les impuretés fixées sur la coque des navires de petite à moyenne taille, ne dépassant pas les 20m. La brosse, fixée au bout d’un manche courbe qui s’adapte à la forme d’un navire, est composée de flotteurs qui lui permet de se plaquer contre la coque sans trop d’effort. Cela nécessite néanmoins un passage régulier sur son bateau.




Dans la même démarche de nettoyer son bateau régulièrement plutôt que de le protéger avec des peintures chimiques, de nouveaux stands de nettoyage s’invitent dans certains ports de France. Ce nouveau procédé de nettoyage à flot permet, grâce à des rouleaux placés sous l’eau, de nettoyer aussi bien un bateau à moteur qu’un voilier en quelques minutes sans le sortir de l’eau. La société Bio-Océan à l’origine du projet a tout d'abord imaginé une solution de lavage haute pression sous l'eau. Un robot muni d'une énorme buse qui se promène sous la coque pour la nettoyer. La solution fonctionne. Elle a été testée à Granville, mais reste trop complexe et surtout trop onéreuse. Après plusieurs mois de réflexion, c’est avec un nouveau prototype inspiré des stations de lavage de voiture que l’entreprise valide une phase de test à Cherbourg et les usagers sont pleinement satisfaits par ces brosses rotatives qui viennent frotter le fond de coque. Un autre procédé fait quant à lui son apparition dans le milieu du super-yacht et des voiliers de grandes tailles, Les drones sous-marins. Inspiré des robots pour nettoyer les piscines, le drone de la société Keelcrab se distingue par son exosquelette en plastique doté d’une balance hydrostatique neutre. La force d’aspiration est générée par une pompe centrale ou turbine (hélice), entraînée par un moteur électrique, qui réalise la double fonction de maintenir le drone contre la coque et d’enlever les algues formées. De nombreux tests très concluants ont démontré un nettoyage constant de la première couche d’algues (3 mm). Il est également possible de placer une bâche sous la coque de son navire une fois au port, il s’agit du parefouling. La bâche se déploie une fois le bateau amarré, elle est aussi bien adaptée au bateau à quille qu’au bateau à moteur. Elle se dispose entre la coque et l’eau en empêchant les organismes de se développer sur la coque. La bâche a été imaginée de façon hydrophobe afin de créer une pellicule entre l’eau et elle. Ainsi elle se salit peu. Elle permet ainsi aux utilisateurs qui ne sont pas à proximité de leur bateau de protéger leurs carènes de façon adaptée à leurs utilisations. Un autre système adapté aussi bien au monde de la plaisance qu'à celui de la marine marchande permet de limiter l’accroche des bactéries sur les coques grâce à la diffusion d’ultrasons qui les empêche de se fixer sur la coque. Ce système a fait ses preuves sur les coques métalliques mais n’est pas très efficace sur les coques en composites et incompatibles avec les coques en bois. L’émission régulière d’ondes sonores à hautes fréquences et de faibles puissances permet la destruction du biofilm.


Dans le milieu marin, les organismes sessiles (ceux qui sont fixés sur les surfaces solides) luttent en permanence pour trouver une surface disponible pour se développer. Rares sont les organismes vivants dans le milieu marin, qui acceptent d’être colonisés. En effet, les poissons et les mammifères ne peuvent pas laisser sur leur peau une pellicule de biofilm qui réduirait leur hydrodynamique. D’autres organismes vivants ont développé des caractéristiques variées afin de s’en protéger, cette démarche est aussi observée dans les autres milieux que celui marin. Aujourd’hui, ce sont les chercheurs qui s’intéressent aux mécanismes de défense rencontrés dans la nature dans le but de proposer des solutions aux problématiques d’antifouling. Cette démarche est dite ‘’biomimétique''.


On s'oriente vers des solutions dites ''biomimétiques'', donc sans impact pour l'environnement. Professeur Karine Rehel

En dehors de ce dictat de la pétrochimie et de l'innovation technologique, des solutions naturelles existent et peuvent même provenir du milieu vivant c'est pourquoi la recherche s'oriente de plus en plus vers le biomimétisme.

En plus de concevoir de nouveaux polymères "biodégradables", donc qui ne libéreraient plus de microplastique dans les océans (pas de polymère acrylique), l'idée est de s'inspirer d'espèces marines pour libérer des substances actives naturellement efficaces pour repousser les micro-organismes. On retrouve dans la nature deux types de protection contre les invasions d’un biofilm. Il y a les espèces qui ont développé des surfaces nano-structurées aux propriétés antifouling et les espèces qui libèrent des molécules permettant de contrer le développement d’un biofilm.

Les scientifiques se sont tout d’abord intéressés aux surfaces des espèces et ont identifié que certaines d’entre elles disposent d’une topographie de surface. Cette caractéristique va soit encourager l’adhésion des organismes d’un biofilm soit la limiter. C’est le cas du requin qui grâce à sa peau composée de micro denticules cutanées, garde une surface corporelle dépourvue de biofilm. Les chercheurs se sont aussi intéressés aux plantes pour

répondre à ces problématiques. Il a été démontré que certaines plantes carnivores appartenant au genre Nephentes présentent des surfaces surper-hydrophiles qui leur permettent de faire glisser les insectes grâce à une fine couche d’eau. Après analyse de ces plantes, ils ont pu créer un revêtement « nano ridés » extrêmement glissant qui permet d’empêcher l’adhésion du biofilm. Ce nouveau matériau a été testé en laboratoire et en milieu marin, il a démontré de nombreuses qualités antifouling. (Wong et al., 2011) Ces recherches sont très prometteuses mais il reste encore un grand nombre d’études à faire avant de pouvoir développer un produit viable pour le monde maritime. Les recherches biomimétiques sur les espèces relâchant des molécules avancent aussi.


Dans ce domaine d'expertise plusieurs laboratoires de recherches universitaires se penchent depuis déjà de nombreuses années sur les mécanismes de salissure des corps immergés. C'est le cas par exemple du Laboratoire de Biotechnologie et Chimie Marines de l'UBS (Université Bretagne Sud).

Plusieurs chercheuses et chercheurs travaillent sur le développement des micro-organismes marins et sur les bio-films colonisant notamment les coques de bateau.

Les recherches menées passent par des expérimentations sur le terrain. Le laboratoire de l'UBS a par exemple effectué des tests en immergeant des plaques symbolisants des carènes de bateau dans le port de Kernével à Lorient ainsi que dans le port de Sète.


Dans ces laboratoires, on s'est aperçu que l'étape qui permettait de passer d'un fouling de micro-organismes vers du macro-organismes était liée à la communication qui existait entre les bactéries colonisatrices. Ces bactéries utilisent pour communiquer entre elles des molécules bien identifiées.

Or, la recherche dans le biomimétisme a démontré que certaines espèces d'algues (de micro-algues et même de certains poissons) produisaient elles aussi ces mêmes types de molécules et que ceci avait pour effet de perturber la communication et la cohésion entre les bactéries issues du biofilm marin.


[... les travaux menés actuellement visent à isoler de nouvelles molécules, produites par les bactéries marines, dans le but de développer des moyens de luttes écologiques et non toxiques contre les biofilms indésirables]. G.L. Klein

Pour les chercheurs, l'idée est alors de synthétiser ces molécules à une échelle industrielle.


En définitive, on retire de ces études biomimétiques que les espèces marines colonisatrices peu mobiles ou fixes sont particulièrement vulnérables. Pour espérer survivre, elles doivent produire des substances toxiques pour leurs prédateurs. Les algues macrophytes, par exemple, produisent des substances chimiques variées tels que des tannins, peptides, acides gras, etc...

Pour les micro organismes marins (bactéries et diatomées), un état de connaissances sur les substances antisalissures (anti-algues et anti-larves) qu’ils émettent a été dressé et les recherches sur ce point sont toujours en cours.

Des enzymes, incorporées dans les revêtements peuvent également être utilisés comme biocides. Mais à l'heure actuelle, aucune solution véritablement efficace à l'échelle de la flotte de navire à traiter ne semble pouvoir être mise à disposition. Comme nous l'explique la professeure Nathalie Bourgougnon (Directrice du LBCM UBS), les industriels et les fabricants ne se sont pas encore rapprochés des chercheurs pour étudier les nouveaux brevets et les nouvelles formules en cours d'élaboration.

La pharmacognosie marine offre cependant un vaste champ d’investigation pour la mise au point de molécules biologiquement actives, biocides naturels non toxiques. C'est dans cette perspective que se sont inscrits les projets français Paintclean et BioPainTrop depuis la fin des années 2000, appuyés par les sociétés Nautix et Naval Group.



Le milieu maritime reste pour l’instant dépourvus de réelles solutions concernant les problématiques d’antifouling écologiques. Sur le plan environnemental, il existe un paradoxe fort entre le besoin d’utiliser des peintures non polluantes et celui de supprimer les antifoulings à base biocides. En effet, les antifoulings à base de biocide fonctionnent mais restent néfastes pour l’environnement marin. Ils ont aussi l’avantage de limiter la surconsommation de carburant des navires et donc permettent de diminuer les émissions de CO2. Ils permettent également de limiter la dispersion des espèces invasives dans les océans. Dans l'ensemble rien ne semble plus efficace que le choix de ne pas protéger du tout la carène de son bateau en laissant son revêtement à nu et en venant effectuer des nettoyages réguliers. Ce choix particulier est le seul à l'heure actuelle qui permet de garantir un véritable respect de l'environnement marin en ne relâchant rien dans nos océans.

Les recherches vers de nouveaux revêtements et de nouvelles solutions sont tout de même très interessante pour tenter de répondre à cette problématique. Elle restent néanmoins au stade embryonnaire et ne peuvent aujourd’hui concurrencer les antifoulings à base de biocides. Les peintures écologiques actuellement sur le marché n’atteignent pas la durabilité attendue, mais semblent intéressantes si elles sont ajoutées aux nouvelles méthodes de carénage. La solution ne serait-elle pas en additionnant plusieurs protections?

Tout les bateaux restant à flot pourraient être munis d’un antifouling écologique et subir régulièrement un brossage des carènes. Le monde maritime de demain est il celui des stations de lavage à flot et des drones ? Saurons-nous adapter à la marine marchande ces méthodes qui semblent plus appropriées au monde de la plaisance ?


 

Références Bibliographiques


Surfaces anti-biofilm et anti-fouling à impact environnemental réduit, "Planète Conférences", Conférence Mars 2018 (Youtube), Karine Rehel, Professeure LBBM à l'UBS


Eco-conception navale, "Rapport Cedocar du Ministère de la Défense, Direction Générale de l'Armement", 2011, Stéphane Fauvaud, Patricia Forgeneuf, Frédéric Le Joncour


De nouvelles voies d’inhibition des biofilms Des micro-organismes producteurs de nouvelles molécules actives, "Matériaux et Techniques n°98", 2010, p 2-4,

Géraldine L. Klein, Alain Dufour, Chantal Compère


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Aménagement et gestion des ports : l’effort de R&D vers de nouvelles solutions disponibles, "Pôles de compétitivité mer Bretagne et mer PACA", 11 juin 2008, Avellan C


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Fay Fabienne, Linossier Isabelle, Dufau Chrystèle, Bourgougnon Nathalie, Vallee-Rehel Karine


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Bioinspired self-repairing slippery surfaces with pressure-sta- ble omniphobicity, Nature, 2011, Wong T.-S., Kang S. H., Tang S. K. Y., Smythe E. J., Hatton B. D., Grinthal A. & Aizenberg J.


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